INTERVIEWS
Photo lors de l’interview -photo de Sabine Crossen
Zola l’infréquentable », une pièce de Didier Caron , mis en scène par #DidierCaron . La confrontation véridique et peu connue entre Émile Zola et Léon Daudet, polémiste antisémite, qui mènera à la parution du célèbre « J’accuse ». Au théâtre du #Baretta, sur Scène les deux comédiens #PierreAzéma et #BrunoPaviot interprètent respectivement #EmileZola et #LéonDaudet . La pièce se déroule à la fin du 19ème siècle, Émile Zola dîne, comme à l’accoutumée, chez son ami #AlphonseDaudet. Le fils de ce dernier, Léon Daudet, pamphlétaire et journaliste nationaliste, rentre de l’École Militaire où il vient d’assister à la dégradation du capitaine Dreyfus. Tous deux interprètent magistralement ces deux personnages de l’histoire, et les spectateurs dans la salle assistent à un magnifique #duel sans armes! Même si on connait tous un peu l’histoire de l’affaire Dreyfus, cette mise en scène nous remémore un moment du passé, on s’y croirait ! à voir absolument !
Interview de Pierre Azema et Bruno Daviot
– Céline P: » Messieurs, veuillez vous présentez présentez votre pièce, s’il vous plaît. En quelques mots ».
– Bruno Paviot : « Pierre Azéma et Bruno Paviot. Pierre Azema qui incarne le rôle d’Emile Zola. Et moi, donc, Léon Daudet. Dans la pièce de Didier Caron, « Zola l’infréquentable ».
– Céline P: « Donc, à vous, Monsieur Bruno Paviot ».
– Bruno Paviot : « Je suis Bruno Paviot et l’individu à barbe qui est à ma gauche s’appelle Pierre Azema. Donc il incarne le rôle d’Emile Zola et moi, celui de Léon Daudet, dans Zola l’infréquentable, de Didier Caron. »
– Céline P: « Alors, est-ce que vraiment, Zola était infréquentable à cette époque ? ».
– Bruno Paviot : « Alors, en fait, dans le titre, Zola l’infréquentable, oui, effectivement il est infréquentable, mais pour qui ? En fait, dans le titre, ce qu’à voulu dire Didier, c’est qu’il est infréquentable pour Léon Daudet. Et d’ailleurs pour une grande partie du milieu culturel français de l’époque, voir même de la France globalement ».
– Pierre Azéma: « Une grande majorité de la France ».
– Bruno Paviot : « Il était très antisémite. Et donc forcément d’une part, ses prises de positions politiques mais aussi de part le contenu de ses livres. Zola était un auteur à succès mais qui déplaisait à beaucoup. Il était fortement critiqué, notamment par, on lui reprochait un certain misérabilisme et de se servir un peu, bah de la misère, de la pauvreté, bah pour écrire des livres en fait ».
– Pierre Azéma : « Bah j’ai rien à rajouter ».
– Bruno Paviot : « Et donc infréquentable, plus pour ses raisons-là ».
– Pierre Azéma : « Exactement et Léon Daudet qui est le fils d’Alphonse. Et qui était un pamphlétaire écrivait dans le Figaro et était un antisémite, plus plus plus. Et qui ce jour-là, au moment où la pièce démarre, on a failli le sous-titrer Le soir où tout a commencé, parce que, au moment où la pièce démarre, lui vient d’assister à la dégradation du Capitaine Dreyfus (Bruno : à l’école militaire) et il arrive tout gaierai, il est content. C’est la journée de sa vie. C’est le spectacle parfait.
Et il vient raconter ça, à son père Alphonse. Qui est aussi légèrement antisémite, mais qui est le meilleur ami d’Émile. Donc il tombe sur Émile. Alphonse est déjà au lit, parce qu’il est déjà malade. Et la discussion va s’engager avec Émile, autour de la dégradation de Dreyfus, et ça va pousser Émile à s’engager dans l’Affaire Dreyfus, qu’il regardait de loin jusqu’à présent. Ça va donner J’accuse ! Et ça va donner l’exil d’Émile, etc, etc.
– Céline P: « La pièce est basée sur une histoire vraie (Pierre et Bruno : Oui.). Et vous avez aussi je pense, bien travaillé le texte avec le metteur en scène, puisque vous incarnez des personnages, et on a l’impression de vraiment les voir sur scène, devant nous ».
– Pierre Azéma : « C’est un beau compliment, merci ».
– Bruno Paviot : « Oui, tout à fait. Effectivement, pour répondre aux premières remarques, c’est effectivement, c’est une pièce d’après des faits historiques. Bien évidemment, qu’on a pas le texte, les dialogues exacts, les paroles exactes qu’ils se sont échangées. Par contre, ils se croisaient effectivement très régulièrement. Émile Zola a écrit de nombreux textes où il fait référence à Léon Daudet. Et Léon Daudet également, a beaucoup écrit sur Émile Zola. Didier s’est inspiré des écrits, et de Zola et de Daudet, l’un sur l’autre. Et également de nombreuses biographies. Donc quasiment, l’intégralité de ce qui est dit dans la pièce, est historique. Après, voilà, c’est écrit d’après des faits ».
– Pierre Azéma : « Il a condensé sept ans d’articles et de quand dira-t-on ».
– Céline P: « Que vous dit le public, quand vous croisez le public à la sortie? . Comment le public, pour vous, au début de ce festival, réagit à cette pièce ? »
– Pierre Azéma : « Bah moi je suis très étonné qu’il soit aussi touché. Je pensais que ça serait intéressant mais il se trouve qu’il soit en plus touché par cette histoire donc je trouve ça très agréable finalement ».
– Bruno Paviot : « C’est vrai qu’on pensait que, qu’il y aurait plus de gens dubitatifs ou choqués par les propos notamment de Léon Daudet et remettant en question. Il y a en a quelques-uns, mais en fait très peu. qui remettent en question le fait que ce que dit mon personnage. Léon Daudet, un Monsieur, sur les juifs, est le reflet de la réalité, de ce qui se disait vraiment à l’époque. Ce qui est totalement le cas. On a rien inventé. Et en fait, bah non, les gens rentrent totalement dans l’histoire et ne remettent pas du tout en question cet aspect-là. Alors bien évidemment, tous les propos de Léon Daudet choquants, mais sans le remettre sur le dos de Didier Caron, de l’auteur ou quoi que ce soit. Non, c’est vraiment, c’est vrai qu’il y a une adhésion assez plaisante, agréable ».
– Pierre Azéma: « Oui et puis je crois que si Didier a réussi à rendre Léon Daudet humain. C’est pas juste un enfoiré, plus qu’enfoiré. Voilà, il a réussi à le rendre humain, (Bruno : Il était humain.) en lui donnant une humanité et du coup, ça rend les propos encore plus virulents. Voilà, c’était un homme comme les autres mais qui a été bercé par ça, dans son enfance, et qui du coup, retranscrit ça très naturellement. Mais ça reste un homme avec ses failles, etc ».
– Céline P: « Et comment, vous, justement comédien, quand on vous a proposé ce texte, comment vous l’avez ressenti au départ ? »
– Pierre Azéma : « Moi c’était la deux, troisième pièce avec Didier Caron et je connais le metteur en scène et l’auteur donc je dis, « oui, j’y vais ». Après, ça dépend de beaucoup, avec qui c’était. Non, je dois avouer, que quand j’ai su que c’était Bruno qui venait, je l’avais déjà vu jouer, je le connaissais de réputation et j’avais envie, voilà c’était agréable que ça soit lui qui joue Léon Daudet. J’ai vu que la distribution était cohérente et excitante. Donc j’ai dit un grand « oui ». Et puis après j’ai lu le texte. Et j’ai dit « oula il y a du travail » ».
– Céline P : « Et vous , Bruno? »
– Bruno Paviot : « Et moi, bah écoutez, je suis arrivé dans un deuxième temps dans l’aventure, parce qu’il devait y avoir un autre comédien, avant moi, qui devait jouer Léon Daudet, mais qui ne savait plus trop s’il allait pouvoir. Donc ça s’est fait en deux temps. Didier m’a appelé une première fois en me demandant mes disponibilités et si je pouvais éventuellement être intéressé par ce personnage. Et j’ai dit « Bah oui, pourquoi pas, le cas échéant, tu me donneras le texte ». Et puis j’en ai plus entendu parler. Et quelques mois plus tard, il m’a rappelé pour me faire cette fois-ci la proposition concrète et ferme. J’ai lu la pièce et moi j’ai été séduit tout de suite. Et euh, j’avais d’autres projets mais j’ai dit finalement « non ». Et je me suis investi totalement parce que voilà, j’adore ce texte, j’adore les deux personnages, l’époque. Je trouve en plus que ça fait, hélas, terriblement écho à aujourd’hui, et à ce vers quoi aujourd’hui nous mène. Avec, voilà, avec les extrêmes qui sont là de plus en plus présents. Et puis les différentes composantes politiques de notre pays qui sont de plus en plus, qui s’enferment de plus en plus dans une sorte de caricature on va dire, et dans des positions de plus en plus tranchées. Voilà, comme c’était à cette époque, à la fin du 18ème, début du 19ème. Enfin fin du 19ème, début du 20ème, ce qui a amené à la première guerre mondiale, puis à la deuxième, puis à la solution finale. Voilà, ça me parle énormément, et j’ai dit oui sans aucune hésitation. J »adore jouer les personnages de salauds et de méchants, quand ils sont bien écrits. Voilà, parce qu’un personnage tordu, méchant et quand il est bien écrit, il ne l’est jamais
gratuitement. Il y a toujours un trajet qui mène à ça. Et je trouve que c’est le cas, dans le personnage de Léon Daudet, tel qu’il est écrit par Didier Caron. Et puis j’ai appris beaucoup de choses en lisant la pièce donc je pensais que ça pouvait être aussi le cas pour le spectateur. Non, franchement, j’ai dit « Oui, oui, oui ». Et je ne le regrette depuis, pas. Pour le moment ».
– Céline P : « Est-ce que, justement, ce genre d’interprétation sur scène, parce que bon, on va dire, c’est un duel. Mais sans sabre, sans épée, sans arme. Mais c’est un duel quand même entre les deux comédiens, entre les deux rôles. Est-ce qu’il a fallu une préparation physique ou autre, particulière parce que ça s’enchaîne, ça ne s’arrête pas ».
– Bruno Paviot : « Physique, non. Faut qu’on soit quand même assez rigoureux (Pierre : Ouais.). Comme faisait remarquer Thomas Poulain, qui est un metteur en scène lyonnais, qui est dans le spectacle aujourd’hui. Il faisait la remarque justement, de tenir ce spectacle pendant un mois, ça va être un effort, physiquement c’est un vrai investissement mais ça demande d’être rigoureux en fait ».
– Pierre Azéma : « Oui, c’est plus de la rigueur que de la préparation physique. Et de beaucoup de concentration et pour être concentré, il faut être reposé. Et voilà. Il faut se coucher le moins tard possible et le plus sobre possible ».
– Bruno Paviot : On se fait des italiennes tous les matin. On se lit le texte tous les matins, parce que, ça va assez vite, c’est effectivement deux bretteurs. Ils aiment les mots et ils aiment la confrontation d’idées. Donc effectivement, ça va assez vite. Et vu que c’est un texte très littéraire, très écrit, donc on pourrait vite être perdu . On peut pas trop improviser dans cette langue-là. Il faut être très rigoureux.
– Pierre Azéma : Même avec « l’oignon ».
– Bruno Paviot : « Oui, bah. Je me suis trompé ».
– Céline P : « On a remarqué ».
– Bruno Paviot : « Oui, oui. Bah, j’ai pas dit « l’oignon », j’ai dit. Ah, si, j’ai dit « l’oignon », au lieu de dire « lorgnon ». C’est vrai. Merci de le faire remarquer dans l’interview ».
– Céline P: « Non, non mais le public a apprécié donc voilà ».
– Bruno Paviot : « Oui, c’est vrai. Il y a eu des rires de belles qualités. »
– Céline P : « Alors, après Avignon, on vous retrouve à Paris ? Et l’an prochain de nouveau à Avignon ? »
– Bruno Paviot : « Exactement. Du 6 octobre au 12 janvier, nous allons jouer au théâtre de la Contrescarpe, dans le 6ème arrondissement, du mercredi au dimanche, voilà, à 21h. Et le dimanche à 16h30 ».
– Céline P: « Qu’est ce que vous pourriez dire en quelques mots, pour donner envie à ceux qui ne l’ont pas vu à Avignon, qui ne peuvent pas le voir à Avignon, de venir à Paris car il ne faut pas la louper, cette pièce ».
– Pierre Azéma : « Alors, je leur dirais que, c’est une période… je ne sais pas. Comment dire ? Qu’est-ce que vous diriez, vous, aux gens, pour qu’ils viennent ? Alors que vous l’avez vu ».
– Céline P : « Ah, le piège ! »
– Pierre Azéma : « C’est intéressant ».
– Céline P : « Alors, qu’il faut aller voir ces deux hommes sur scène. C’est un duel sans arme, mais avec des mots bien écrits de Didier Caron ».
– Pierre Azéma : « Un duel sans arme, j’aime beaucoup. Non, mais c’est une vraie confrontation entre deux individus, qu’on connaît plus ou moins. Plutôt moins que plus pour Daudet. Mais en même temps, c’est la même chose pour Zola. On a l’impression de le connaître. Mais, il avait aussi des parts d’ombres, dont on parle dans le spectacle, et c’est peut-être pas très clair, les raisons pour lesquelles il s’est engagé dans l’Affaire Dreyfus. Peut-être qu’il a d’autres motivations que le simple fait d’être un héros. Mais n’empêche, qu’on s’aperçoit avec la pièce, là, que c’était un vrai courage de le faire, parce qu’il s’opposait à la France entière ».
– Bruno Paviot : « Oui. Plus que la confrontation entre deux hommes, c’est la confrontation entre deux visions du monde. La vision entre la face noire des ténèbres et entre la lumière, le Bien. Le Bien et le Mal, c’est un petit peu caricatural, mais il y a un peu de ça quand même. Il y a la vision de Léon Daudet, qui est une vision désespérée et désespérante de l’existence. Et une vision avec plus d’espoir, on va dire. Même si elle est également empreinte d’une certaine mélancolie et de tristesse mais il y a quand même plus d’espoir dans la vision de Zola ».
– Pierre Azéma : ‘En fait, il écrivait sur la misère, mais il avait quand même l’envie de ça change. Et Daudet lui reproche d’écrire sur la misère. Et lui, il ne veut parler que des trucs euh, lui c’est dans la noirceur qu’il est. Donc finalement, c’est très intéressant de voir, comme dit Bruno, ces deux visions du même monde. Et laquelle va gagner. Si tant est qu’il y en ait une qui gagne ».
– Bruno Paviot : « Et cette pièce est un véritable effet miroir par rapport à la situation de controversion, enfin par rapport au contexte actuel. En France, et un petit peu partout en Europe et même dans le monde. Avec ce qui se passe en ce moment aux États-Unis, avec la remise en questions des droits à l’avortement. Bientôt, la repénalisation de la sodomie, de l’homosexualité. Et voilà, on est au bord du précipice pour moi. Et on est dans un contexte qui fait de plus en plus penser aux années 30. Ou, à la fin du 19ème, début du 20ème. Donc, voilà, je pense qu’il faut être vigilant, de plus en plus. Cette pièce est un coup de projecteur intéressant, parce qu’on oubli souvent les leçons d’Histoire je trouve ».
– Pierre Azéma : « J’ai rien de mieux à ajouter, c’est magnifique ».
Interview réalisée par Céline Pilati –