FESTIVAL DE LA FICTION TV,
LA ROCHELLE
Droit de regard (France télévisions)
Equipe du film Droit de Regard (France Télévisions), Festival de la Fiction de la Rochelle.
Alexandra , un joli rôle interprété par (Camille Goudeau), une trentenaire énergique, est une coach professionnelle très appréciée. Hélas le glaucome dont elle est atteinte lui fait peu à peu perdre la vue. Le choc est violent et les conséquences sont d’autant plus lourdes qu’ Alexandra est en procédure de divorce avec Yann (interprété par Raphaël Lenglet) , le père de ses 2 enfants Hadrien (Arthur Guivarch) et Elorie (Emmeline Maniccia) . Alors que l’audition devant le juge approche, Alexandra réussira-t-elle à convaincre la justice qu’elle peut s’adapter et conserver la garde de ses enfants malgré son handicap ?
Emmeline Maniccia, Droit de Regard (France televisions) Festival Fiction de la Rochelle.
Emmeline Maniccia, Droit de Regard (France televisions) Festival Fiction de la Rochelle.
Arthur Guivarch Droit de Regard (France televisions) Festival Fiction de la Rochelle.
Arthur Guivarch, Droit de Regard (France televisions) Festival Fiction de la Rochelle.
Camille Goudeau, Droit de Regard (France televisions) Festival Fiction de la Rochelle.
Raphaël Lenglet Droit de Regard (France televisions) Festival Fiction de la Rochelle.
Camille Goudeau, Arthur Guivarch, Raphaël Lenglet et Emmeline Maniccia , Droit de Regard (France televisions) Festival Fiction de la Rochelle.
Camille Goudeau, Arthur Guivarch, Raphaël Lenglet et Emmeline Maniccia , Droit de Regard (France televisions) Festival Fiction de la Rochelle.
Arthur Guivarch Droit de Regard (France televisions) Festival Fiction de la Rochelle.
Interview complète :
Fabienne Langlois (France télévision) : « Je suis ravie de vous accueillir pour échanger sur ce merveilleux film, écrit, réalisé, interprété et produit par, tous ces gens qui sont là. Que Fabienne vous a présenté. Nous, à France Télévision, on a accueilli le projet avec enthousiasme. Parce que ça nous semblait un projet, et important, et touchant. Et pas que l’un ou que l’autre. Parce que souvent, ça peut arriver que les projets soient, ou l’un, ou l’autre, mais pas les deux. Et c’était le cas de ce projet. Et puis on a travaillé ensemble pendant un moment, comme on le fait dans des chaînes. Et puis à un moment, où on passe un peu le relais à des réalisateurs et des comédiens et des producteurs. Et ça donne ce film, que j’espère que vous avez vu avec plaisir et que personnellement, je suis ravie de le représenter pour France Télévision ».
Question presse : « Comment le projet a vu le jour, qu’est-ce qui l’a initié ? »
Fabienne Servan-Schreiber (Productrice) : « Tout ça est parti du fait que Anne-Sarah est une amie à moi, qui est venue me chercher dans un univers d’engagement, si vous voulez, parce que Anne-Sarah a créé une association, qui s’appelle Droit Pluriel, dans laquelle elle se bat depuis des années (2009) pour que les personnes handicapées aient accès au Droit en France. Puisqu’en général, la justice ne fait pas très attention, ne les identifie pas. Et que vous avez des personnes sourdes qui se retrouvent en prison, elles n’ont rien entendu de leur procès. Et que les histoires sont comme ça, assez inimaginables. Et comme nous nous apprécions mutuellement, et que c’est elle qui fait tout le travail, je me suis dit qu’on pourrait essayer de faire changer un peu le regard du grand public sur le handicap. Et bien que nous ayons tous fait beaucoup de documentaires, et que les documentaires ont une place de choix heureusement sur France Télévision, et dans la vie en générale, une fiction de prime time pouvait être un endroit qui attire du public, qui attire de la sensibilisation à ce sujet. Donc c’est vrai que l’on a décidé de faire ce film, à partir d’une réalité que Anne-Sarah connaît bien. Elle a co-écrit avec Nicole Jamet. Et nous nous sommes embarqués dans cette aventure. Voilà l’origine de cette histoire. Et je reconnais que France Télévision a été très réactif et c’était super. »
Question presse : « Cette fiction a été inspirée d’une histoire vraie ? »
Anne-Sarah Kertudo (co-scénariste) : « En partie, parce que j’ai perdu la vue, parce que j’ai deux enfants, parce que j’ai élevé mes enfants seule. Après, c’est vraiment une fiction, parce qu’on s’est servi de beaucoup d’éléments de ma vie, et dans l’écriture. Et notamment, je me suis inspirée de toute cette expérience-là, mais aussi de tout ce que j’avais comme retours, de personnes en situation de handicap. Et notamment de personnes, de femmes aveugles, qui vivaient des situations comme celles du film, devant la justice. Donc c’était mon expérience, l’expérience de l’association Droit Pluriel. Et après, c’est vraiment fictionné, avec le travail qu’on a fait avec Fabienne. Et puis évidemment, après, c’est Julie qui s’est emparée du projet. Toute l’aventure d’une fiction. »
Question presse pour Camille. « Est-ce que vous avez travaillé avec des gens, qui étaient atteints de glaucome, ou qui ont perdu progressivement la vue, pour incarner ce personnage ? »
Camille Goudeau (comédienne) : « Alors, non, pas du tout. Mais j’en ai fréquenté pas mal dans ma vie, parce que moi, je suis mal-voyante. Et avant le tournage de ce film, pour des questions de jeu. Parce que, comme je suis mal-voyante mais pas non-voyante, j’avais besoin de savoir manier la canne blanche, de connaître certains éléments, etc. Je suis allée voir des personnes non-voyantes qui étaient sur le lieu du tournage, et qui m’ont guidées, un peu comme consultants de jeu, sur les gestes aussi, pendant le film.
Céline Pilati -question pour Raphaël Lenglet : « Quand on vous a proposé ce rôle. Qu’est-ce qui, dans le scénario, vous a plu, pour défendre ce rôle ? »
Raphaël Lenglet (comédien) : « Honnêtement, la lecture du scénario déjà. La façon dont on abordait le sujet m’a plu. J’ai trouvé que c’était très délicat, sans pathos, sans exagération. J’ai trouvé qu’il y avait un thème universel, au-delà de ce qu’on met, sous le terme de « handicap ». Il y avait une forme de, c’est une belle histoire de résilience. C’est-à-dire, ce que la vie peut vous mettre comme adversité, le dépassement de soi. J’ai trouvé qu’il y avait un thème très universel aussi, qu’on peut appliquer à nous tous, dans la vie, quand on a des épreuves comme ça, quel que soit les choses qu’on a. C’est au-delà d’un beau portrait de femme. Et puis après, il y a eu la rencontre avec Julie, puisque je pense, j’espère que c’était réciproque. Mais il y a eu une belle entente, j’ai senti l’intelligence, j’ai senti la finesse chez Julie. Et Dieu sait que j’avais envie de jouer autre chose que de trouver, Qui a tué qui ? Depuis 20 ans, c’était enfin l’occasion de montrer que je pouvais jouer avec autre chose que des cadavres, donc j’étais très content. »
Céline Pilati -question pour Raphaël Lenglet : : Et jouer avec des enfants ? Comment cela s’est passé ?
Raphaël Lenglet (comédien): « Oui, un cauchemar. (Rires) Vous avez vu le film, il y a une barrière de sécurité entre nous. Non, c’était un bonheur. J’ai d’ailleurs eu le plaisir de reprendre Emmeline dans une réalisation que je viens de faire. Donc ça devient ma fille de fiction. Elle en a pour 15 ans à peu près. Elle va jouer ma fille bientôt dans un épisode spécial de Candice Renoir. Elle ne le sait pas. C’était un bonheur, ça se voit à l’image, il y avait une très jolie émulation, même dans l’équipe, par rapport au sujet, par rapport à ce qu’on abordait, à comment on l’abordait, ce qu’on traitait. Il y avait une délicatesse, il y avait une envie collective, qui je pense, se retrouve dans le film. Que ça soit dans l’équipe technique, chez les comédiens, à la production. C’était délicat. Et c’était tout en douceur. Je pense que si vous avez vu le film, c’est ce qui ressort. »
Céline Pilati : « Oui, la délicatesse, on la ressent. »
Raphaël Lenglet (comédien): « C’est très humain. Sans pathos. Il y a beaucoup de sincérité, il y a beaucoup d’humanité dans ce film. »
Céline Pilati : « question pour les enfants, c’est votre premier rôle ? »
Emmeline : « Moi non, parce que j’avais tourné un film avant, mais un petit film. Mais du coup, j’en ai fait un autre après celui-ci ».
Arthur : « Pour moi, ce n’était pas le premier rôle, mais le premier gros rôle que j’ai fait. Mais j’avais déjà eu des expériences dans des courts-métrages et un long-métrage aussi dans lequel j’ai eu un plus petit rôle. »
Céline Pilati– question pour les enfants : « Et cette expérience, qu’est-ce que cela vous a apporté ? »
Emmeline : « C’était bien parce qu’on a joué au trampoline, il y avait plein de choses (rires). »
Céline Pilati : « On ne l’a pas vu le trampoline dans le film.
Emmeline : « Un peu. (sourires)
Équipe du film : « oui il y avait de la barbapapa, des craies, gâteaux au chocolat, la sauce tomate. »
Arthur et Emmeline en même temps : « Spaghetti. ! »
Raphaël Lenglet (comédien) s’adressant à Emmeline « C’est vrai que tu manges énormément. J’avais oublié. Elle mange énormément. »
Arthur (comédien) : « Pour ma part, c’était aussi une expérience très enrichissante. On a partagé un super moment avec toute l’équipe. Que ce soit les acteurs, sauf Raphaël du coup. » (sourires)
Raphaël pour Arthur : « Tu étais prévenu. Tu étais prévenu ». (sourires)
Arthur (comédien) : « Non, avec toute l’équipe. Comme dit Raphaël, j’ai trouvé ses mots très justes, si je peux valider ce que tu as dit. »
Raphaël pour Arthur : « Pour une fois… »
Arthur (comédien) : « Sur le fait que, effectivement, il y a eu tout de suite une atmosphère très familiale. Et du coup ça s’est ressenti je pense quand on jouait. Parce que, que ce soit avec Emmeline ou mes parents, il y a eu tout de suite un lien vraiment. Et avec Julie aussi et ça a permis d’être en confiance. Et je pense que ça nous a aidé aussi à être dans l’histoire. »
Question presse : « Pour le casting, est-ce que c’était important de confier le premier rôle, à quelqu’un qui était elle-même, mal-voyante ? »
Fabienne Langlois : « Je pense que c’était très important. C’était, pour être tout à fait honnête, un souhait de Fabienne Servan-Schreiber et de Julie Manoukian qui nous a été proposé. Et on a trouvé que c’était une très bonne idée. Mais ce n’était pas une idée de chez nous en l’occurrence. C’était une idée de la réalisatrice et de la productrice. Et on a trouvé que c’était super, mais ce n’était pas à notre demande.
Fabienne Servan-Schreiber : « Il faut être cohérent. Si vous voulez dire que les personnes atteintes de handicap sont comme nous, avec des difficultés que nous n’avons pas, il faut montrer qu’elles peuvent travailler comme nous. Et je pense que c’était absolument cohérent et je remercie France Télévision d’avoir accepté, et je remercie Julie, enfin, tout le monde, d’avoir joué le jeu, et Camille d’être venue, etc. Et pour tout vous dire, ce n’était pas évident. Parce que, quand on a pris cette décision et qu’évidemment, il fallait trouver la bonne personne. Pour ne rien vous cacher, on a téléphoné d’abord aux agents. En leur disant, nous cherchons une comédienne mal-voyante ou non-voyante. Et on nous a dit, « mais ça n’existe pas, mais ça n’existe pas ». Donc ça ne fait pas partie de l’atmosphère générale professionnelle de ce métier. Mais sous-entendu, voilà. Mais je suis contente qu’on y soit arrivé. Je suis ravie que ce soit Camille. Évidemment, qu’on soit ici, avec ce film, parce qu’il signifie beaucoup de choses. Et qu’effectivement, la subtilité du jeu, et des comédiens apportent beaucoup à ce scénario, qui est d’ailleurs, comme par hasard, très quotidien. Puisque ça vient, en partie, de choses vécues. »
Anne-Sarah Kertudo : « Le handicap, c’est 1 personne sur 6 aujourd’hui. La télévision, elle commence à montrer des personnes LGBT, des personnes qu’on dit, issues de la diversité. C’est formidable que France Télévision se mette vraiment à montrer des personnes en situation de handicap, dans une vie normale. En fait, à chaque fois qu’on voit des personnes handicapées aussi, c’est toujours dans un rôle de pauvre. Enfin, voilà, on pleure sur leur sort, etc. Et là, l’idée, c’était de montrer une femme dans sa vie normale, avec toutes les embûches qu’elle rencontre, qui sont plus liées au monde extérieur, que, à la cécité en fait. »
Céline Pilati : « Pour moi, dans ce film, il y a plusieurs batailles. Il y a justement le rôle fort du personnage principal, qui se bat avec son ex-mari, entre guillemets. Et aussi qui se bat pour son travail. Elle veut tout garder. Elle veut garder ses enfants, elle veut garder son travail, elle veut vivre normalement. Pour moi, le scénario, justement, a été ficelé on va dire, pour arriver à mettre en avant tous ces thèmes. Mais sans qu’il y ait de barrières justement, pour ces thèmes, pour que ce soit tout coordonné ensemble. »
Fabienne Servan-Schreiber : « Bravo. C’est vous qu’il faut interviewer, pas nous. »
Céline Pilati : « Qui répond à ma question technique, ai-je raison ?»
Raphaël Lenglet : « Je crois que tu y as répondu toi-même. (sourires)
Fabienne Langlois (France télévision) : « Pour rebondir sur votre question, il y a effectivement un scénario qui est construit comme ça. Avec néanmoins, une forme de bienveillance. Parce que, c’est peut-être malvenu de le dire aussi, mais, en fait, face à des situations que rencontrent des personnes handicapées, il y a aussi, quelques fois, la peur de l’autre. Moi je sais que ce patron, il n’a pas le plus grand rôle dans l’histoire, mais pour moi il a un rôle important. Parce que, en fait, il ne se demande pas, si son employée est capable ou pas capable. Pour lui, c’est forcément pas possible. Jusqu’au moment où il est amené à réfléchir. Et qu’il réfléchit et là il se rend compte que, non seulement c’est possible, mais qu’en plus il va gagner quelque chose. Mais ce process-là, je pense que c’est un processus qui peut sembler évident. Je pense qu’il n’est pas évident pour tous. Et ce genre d’histoire avec ce genre de film, il y a aussi l’émotion qui nous procure quand on le regarde. Et dans ce que ça nous amène à penser et à réfléchir. J’ai envie moi, et je me dis que c’est ce qui a animé tous les gens qui ont participé à ce film. De se dire, bah effectivement, moi j’aurais réagi comment, et c’est quoi la bonne réaction. Et comment on avance aussi. Je sais que moi, c’était un personnage auquel je tenais beaucoup, pour ce qu’il racontait de la société, du regard justement de la société. Ce n’est pas un immonde méchant ce monsieur. C’est un représentant de la société qui ne sait pas et qui a peur en fait. Et qui a peur alors que finalement, il n’a pas de raison d’avoir peur. Il faut le confronter à sa peur pour qu’il change. »
Vous pensez qu’on est très en retard par rapport au handicap ?
Camille Goudeau : « Je ne sais pas si en France ou ailleurs. Très honnêtement, je n’ai pas cette connaissance. En termes de loi, en termes de réglementation. Est-ce que c’est la France ou d’autres pays. Il y a des pays qui font clairement des règles avec des objets techniques qui permettent à des gens de se déplacer plus facilement. Pour autant, ils ne sont pas plus humains et plus ouverts. »
Raphaël Lenglet : « Non, mais l’accès, rien qu’aux transports à Paris, il n’y a même pas débat. On est absolument, effroyablement en retard. »
Anne-Sarah K. : « Je pense, là où on est très en retard en France, c’est que, on n’ose pas en parler, on ose pas dire les choses. Moi je suis devenue aveugle. Et moi-même, je le dis, je me suis demandée, comme je vais garder des enfants, comment je vais assurer leur sécurité. Et en France, on n’ose pas se dire, j’ai ces questions-là, j’ai ce doute-là, j’ai cette ignorance-là. On part directement dans le politiquement correct en disant, mais bien-sûr qu’une personne aveugle elle peut garder ses enfants. En vrai, personne le sait, personne ne sait comment elle fait. Moi je fais des formations où c’est pareil, je dis, est-ce que, une personne autiste, vous pouvez l’embaucher ? On me dit, bien-sûr, on s’adapte. Ok, mais vous vous adaptez comment ? Ah bah on ne sait pas. Donc en fait, il faut arrêter d’être dans des discours d’intention. Ça, c’est très français. Pour être dans le concret, la technique. Et c’est ça qu’on voulait faire avec ce film. C’est montrer, bien-sûr qu’on se pose la question, de comment une femme aveugle, elle va gérer tout ça ? Et on va vous montrer concrètement, comme elle fait. Et après vous allez pouvoir changer d’avis. Mais si on ne fait pas ce travail d’information et de formation, c’est normal que chacun reste sur ces préjugés. Mais dans les discours, on reste sur des déclarations d’intention. Donc rien ne bouge, notamment à cause de ça. »
Question pour la réalisatrice : « Justement, sur ces questions concrètes, est-ce sur un tournage vous en tant que réalisatrice, cela vous a fait prendre conscience par rapport aux personnes en situation de handicap, et peut-être même changer les choses pour les rendre plus accessibles ? »
Julie Manoukian (réalisatrice) : On m’a posé la question ce matin, parce qu’on a eu la chance d’avoir des jeunes adolescents qui sont venus voir le film et qui nous ont demandé ce que ça représentait comme difficultés possibles, de travailler avec des personnes handicapées. Et je leur ai répondu en sincérité totale, que ça n’avait présenté absolument aucune difficulté. Chaque fois qu’on tourne, on envisage, enfin, on essaye d’anticiper les problèmes qu’on va rencontrer. Ce qui est assez rigolo, c’est que les problèmes ne sont jamais là où on les attendait et ils se présentent toujours ailleurs. Nous on avait anticipé d’avoir un peu plus de temps que sur d’autres tournages, pour pouvoir s’adapter et prendre le temps dont on aurait besoin. En réalité, ça s’est passé absolument comme moi, tous les autres tournages que j’ai connus. Il y a eu des petites choses qui ont été faites sur le plateau, mais qui sont déjà des adaptations qu’on a avec tous les comédiens, pour tout un tas d’autres problématiques. Parce que, un plateau, c’est ça. C’est des gens qui apprennent à se connaître. On essaye tous de comprendre comment fonctionne, notamment les comédiens, de quoi ils ont besoin. Et en ça, c’était un tournage absolument comme tous les autres. Et ça je ne vous le dirais pas. On a tendance à faire les questions et les réponses tout seul. Et là, heureusement, on ne s’est pas enfermé là-dedans. Et moi j’ai découvert que c’était tout simplement un tournage comme un autre.
Céline Pilati : « Est-ce que, dès le départ, ça s’est dit, bon on va faire un unitaire. Ou on aurait pu imaginer une série, pour justement, développer peut-être certains points de chaque personnage qui sont évoqués dans ce film ?
Fabienne Servan-Schreiber : « Ça va venir, ce dont vous parlez. On a pensé à un unitaire pour commencer. On va faire la suite. On va peut-être faire une suite oui. L’idée vient d’émerger. »
Raphaël Lenglet : « Je ne suis pas au courant. »
Fabienne Servan-Schreiber : « Ça serait les mêmes personnages avec d’autres problématiques.
Raphaël Lenglet : « Je pourrais mettre ma scène de sport. Un jour de tournage en moins. »
Céline Pilati : « Dans ce film, il y a le handicap, il y a le divorce. Il y a plein de petites choses à raconter. Il y a aussi les beaux-parents qui s’opposent. Le mari n’est finalement lui pas opposé. Pourquoi pas, une série.
Fabienne Servan-Schreiber : « Tournez-vous vers la chaîne. Ça y est, on signe devant la presse »
Céline Pilati : « C’est enregistré. »
Fabienne Servan-Schreiber: « J’en doute pas. »
Céline Pilati : « Vous, Raphaël vous voulez faire la suite ? »
Raphaël Lenglet : « Bien sûr ! ».
Arthur: « Avec plaisir !. »
Emmeline : « oui ! »
Fabienne Servan-Schreiber: « Ne grandit pas trop vite Emmeline !, on a besoin de toi petite fille. »
Anne-Sarah Kertudo : Ce qui est important quand même, c’est que vous avez des enfants qui sont en situation de handicap. Moi, j’ai été enfant et mal-voyante. Et je n’ai jamais vu à la TV, des personnages comme moi. Si je ne les avais pas dans la littérature, je les avais pas au cinéma, les gens comme moi, ils n’existaient pas. Et si on ne fait pas des films, avec des gens qui sont aveugles, qui sont sourds, qui sont en fauteuil, qui sont des gens normaux, qui sont des gens heureux, qui sont des gens qui vivent, qui travaillent, qui ont une famille, qui aiment, qui rient. C’est impossible de vivre et de grandir parce qu’on est complètement seul. Donc des films comme ça, ça permet à des milliers, des millions de personnes de se dire, « ah bah tiens, j’ai ma place ici. Je peux être heureux et avoir une vie normale ».
Fabienne Servan-Schreiber (productrice) : « Un livre, le roman d’Helen Keller. Oui. Non mais il y a eu des livres. »
Fabienne Langlois (France télévision) : À la décharge des diffuseurs, il y a une série qui a existé longtemps qui s’appelait Caïn sur France2. Et il y a Vestiaires qui est formidable. Vestiaires raconte effectivement, est plus dans cette ligne de quotidienneté. Alors que Caïn, ce n’est pas pour parler de Caïn, mais le principe étant justement, était mise en scène, un mec qui bosse, alors vous allez me dire, il est flic. Mais en attendant, il bosse et tout est pas facile tous les jours. Mais c’était le héros de la série ».
Fabienne Servan-Schreiber (productrice): « Là où vos deux paroles rejoignent quand même ce qu’a dit Anne-Sarah, c’est que quand même, tout ça, a une dizaine d’années ».
Fabienne Langlois (France télévision) : « Oui, bien sûr, c’est récent. »
Question presse : « Est-ce que plus largement, ce projet est aussi bien pour la chaîne que pour vous en tant que producteurs. Ça vous donne aussi envie d’ouvrir les castings, faire des castings à l’aveugle. S’il n’y a rien de spécial, par exemple, peu importe les personnages, on peut prendre qui est handicapé aujourd’hui ? C’est un peu la prochaine étape ? »
Ce que je veux dire, c’est que, par exemple, on a un rôle défini et on accepte d’auditionner des gens qui sont sourds, qui sont mal-voyants même si ce n’est pas écrit dans le personnage.
Fabienne Servan-Schreiber (productrice): « Moi j’ai fait ça avec des personnes de couleur pendant des années. Dans les scénarios, on disait « Madame Machin épouse Monsieur Machin ». Et on n’écrivait pas, Monsieur Machin est noir. Et au moment où on les castait, tiens, on amenait un noir à la chaîne. Pour que ce soit quotidien ou banal, et au milieu de nous tous. »
Fabienne Langlois (France télévision) : « C’est un vrai travail de production et un vrai travail de diffuseurs. C’est qu’effectivement, aussi, de mettre en avant des personnages qui ont, une fonction, type, il est juge, point. »
Raphaël Lenglet : « Le simple fait qu’on le souligne encore, que ce soit la couleur de peau, l’orientation sexuelle ou le handicap, le simple fait qu’on le souligne, montre qu’il y en encore un énorme chemin à parcourir. Parce qu’après, ça sera juste, des personnes. On a encore un énorme chemin, parce que si on doit toujours souligner qu’on a mis telle catégorie type en avant, montre bien qu’on a encore nous-même un chemin à faire. Puisque si on doit appuyer là-dessus, ça montre bien que collectivement, on n’est pas encore déterminé en tant que personne. On est déterminé par ce qu’on appelle des différences. Et on va vers peut-être un modèle où on sera juste des personnages qui en l’occurrence. Là on a encore tendance à mettre ça un peu en avant. Que ce soit un personnage LGBT, que ce soit un personnage de couleur. On a encore un énorme chemin à faire. On le fait. Mais le simple fait que collectivement, on le souligne, montre qu’il y a encore un. Vous voyez ce que je veux dire. On le souligne donc c’est que ce n’est pas encore totalement acté. »
Fabienne Langlois (France télévision) : « Ce n’est effectivement pas encore totalement acté et c’est en tout cas, pour nous, c’est notre travail. »
Raphaël Lenglet : « Bien sûr. Mais la route est longue quoi. »
Question presse « Il faut impliquer les agents justement à faire ça. Parce que si vous appelez les agents et qu’ils vous disent, on connaît personne, ça veut bien dire qu’il y a un blocage quelque part. »
Fabienne Servan-Schreiber (productrice): « Posez-leur la question »
Agence Singularist : « Je peux vous répondre si vous voulez. En fait, moi j’ai 20% de personnes en situation de handicap dans l’agence. Et on milite justement pour qu’il y ait des comédiens qui fassent des longs-métrages. La seule chose que moi je peux vous dire par rapport à ça, c’est qu’on reçoit des castings anglais ou américains Spotlight et des castings français. Aujourd’hui, la différence avec un casting Spotligh, c’est que, on va avoir : « cherche un comédien de 30 ans, par exemple pour être avocat, quel que soit son sexe ou son origine. On veut le meilleur des comédiens ». En France, les castings, pour la plupart évidemment, comme Fabienne, ça ne s’est pas du tout passé comme ça, mais « on veut un mec de 30 ans, gay, en prison, parce qu’il a volé le maghrébin ». Moi je vais vous dire, je ne réponds même plus à ces annonces, en fait. Par militantisme, je ne veux plus répondre à ça, parce que ça ne m’intéresse pas. Parce qu’à ce moment-là, ce que je veux, moi, c’est pouvoir proposer, si ce n’est pas mis dans le scénario que ses parents sont noirs, arabes ou asiatiques, je propose un comédien, un très bon comédien, même s’il est noir. Il faut que ça réponde en face donc il faut éduquer aussi les directeurs de castings. »
Fabienne Servan-Schreiber (productrice): « Dis le nom de ton agence. »
Agence Singularist : « C’est l’agence Singularist. Mais c’est vrai qu’il y a tout un tas de problèmes. Moi j’ai trois comédiens qui ont tourné 7 semaines de tournage avec Artus, là, cet été. Et j’en parlais à Fabienne parce que, à partir du moment où ils travaillent 25 cachets, ils sont plus haut que l’allocation adulte handicapée qui est l’AH. Donc ils ne peuvent pas toucher une certaine somme donc ils sont obligés de travailler que 15 jours. Donc il y a des tas de systèmes qui va falloir décloisonner, qu’il va falloir casser. Parce que ça ne permet pas aux personnes en situation de handicap d’être comédien. Et je ne sais pas si c’est le fait qu’il y ait des personnes en situation de handicap dans les tournages mais celui d’Artus, pareil où je suis allée comme celui de Camille. Je ne sais pas, il y a une espèce de légèreté, de douceur sur ces tournages-là. Vraiment, il y a quelque chose d’assez exceptionnel que j’ai aimé. Donc on fait en sorte, nous aussi à Singularist. Et on a très bien travaillé avec Fabienne sur ces sujets-là, de casser un peu les codes.
Anne-Sarah Kertudo : « Nous dans l’association Droit Pluriel, on est en train de faire un test avec une personne en situation de handicap. On l’a prise une fois aveugle, une fois sourde et elle envoie des mails dans des écoles de théâtre pour demander à rentrer dans les cours de théâtre. On a énormément de mal à avoir une réponse positive. Et on nous renvoie vers des lieux spécialisés qui sont pas du tout des cours de théâtre. C’est des cours occupationnels. Il y a aussi l’entrée juste dans le métier. Faut se sentir, la légitimité pour réussir à faire tomber toutes ces barrières, les peurs des écoles de théâtre et de cinéma. »
Fabienne Servan-Schreiber (productrice) : « En conclusion, il y a du travail mais on est sur la bonne voie. Wow ! Et la presse peut nous y aider. Parce que vraiment, il faut attirer l’attention. On a besoin toujours de la presse pour ces choses-là. »
Céline Pilati : « Vous l’avez passé en projection ce matin au public. Vous avez déjà eu le retour du public, tout de suite, dans la salle ? Quel retour vous avez eu ? »
Raphaël Lenglet : « ça se sentait que ça marchait très très bien. Il y avait une qualité d’écoute. Qui était dans la salle ce matin ? Vous n’étiez pas dans salle ce matin ? Vous l’avez vu avant ? Non mais vraiment c’était… Moi je l’ai découvert avec le public, donc j’étais complètement emporté par l’histoire. Et ça se sent une salle qui est captive, qui a une attention, il y a une émotion au moment des applaudissements. On voyait, il y avait beaucoup de yeux embués. C’était très touchant. C’était une très belle projection. »
Fabienne Servan-Schreiber (productrice) : « Et puis le Festival a très positivement organisé un débat après avec deux classes de 3ème et de 4ème et c’était super. Ils ont posé des questions et c’est bien aussi d’organiser la proximité des enfants, avec à la fois le monde du film. Parce qu’ils ont posé beaucoup de questions sur comment on fait un film. Et le monde du handicap. Ils ont découvert plein de choses. Et c’est super de faire ça. Qu’on ne reste pas qu’entre soi, gens du milieu, on ouvre. »
Céline Pilati : « Est-ce que, pour que justement, que le regard de la société change, par rapport aux thèmes qui sont abordés dans ce film, est-ce qu’il faudrait, que ce film soit diffusé dans les écoles ? »
Fabienne Servan-Schreiber (productrice) : « Oui, je trouve. Je vais le proposer à l’Éducation Nationale. Je ne sais pas s’ils le feront mais je trouve ça très important oui. »
Céline Pilati : « Il faudrait qu’il fasse le tour de France ».
Fabienne Servan-Schreiber (productrice) : « Nous, on aime bien faire ça. On le fait souvent nous, France Télévision, des opérations. En principe, ce film va être diffusé. Il y aura un documentaire à côté, autour du handicap et des femmes ou du handicap en général. Il y aura un débat. En général, on fait aussi des programmes courts, justement pour l’Éducation Nationale. Donc on essaye d’exploiter intelligemment et au maximum un travail. Pour qu’il ait le plus de diffusion possible et atteindre plus de public possible. »
Question presse : « Est-ce que, au-delà du handicap, ces films peuvent aussi sensibiliser au glaucome ? Je vous en parle parce que mon père a eu le glaucome, qu’on a détecté très tard. Et en fait il aurait pu l’éviter. Après on lui a dit, oui, si vous aviez mis des gouttes, du champ visuel, de la tension, il ne serait pas devenu aveugle en fait. Enfin, ce n’est pas vraiment le sujet du film. Mais est-ce que ça peut aussi aider à, peut-être sensibiliser les gens, qui à partir d’un certain âge, qui ont eu par exemple des parents qui ont eu ça, de se faire mesurer chez un ophtalmo, tous les ans, la tension, le champ visuel. »
Anne-Sarah Kertudo (co-scénariste) : Ce n’est pas le sujet du film, mais indirectement ça l’est. Parce que le sujet du film c’est qu’on parle de ça, qu’on accepte l’idée que, avoir une situation de handicap, une cécité, une mal-voyance, ce n’est pas grave, c’est normal. Et si on arrive à ça, alors, moi j’ai fait exactement la même chose que vous, je suis devenue aveugle, comme la situation dont vous parliez. Je suis devenue aveugle parce que je n’ai pas été voir le médecin notamment. Parce que je ne voulais pas accepter cette situation, tellement ce qu’on me renvoyait socialement, de dire, c’est la fin de ma vie. Je ne voulais pas de ça. Et si on accepte de se dire, ce n’est pas la fin de la vie, c’est un truc normal qui peut se passer. Alors on va tous être plus détendu avec ces questions-là. En fait, aveugle, je vis très bien. Et si j’avais pu envisager ça, alors je me serais mieux soignée et ça aurait été moins tabou, moins un sujet de silence et de honte quoi. Donc oui, moi je crois, pour répondre à votre question, je pense que c’est, ça peut aider.
Fabienne Servan-Schreiber (productrice) : « Après, il faut qu’il y ait assez d’ophtalmo à travers toute la France, par les temps qui court. C’est un autre sujet. »
Céline Pilati : « Une question pour les enfants. « Par rapport justement au public, vous avez des copains et des copines, qui n’ont pas encore vu le film. Mais vous en avez déjà peut-être parlé avec eux, que vous avez participé à ce film. Est-ce que, justement, vous avez senti que leur regard peut-être sur le handicap a changé ? »
Arthur : « Je dirais que c’est peut-être encore un peu tôt pour en parler parce que, comme le film est pas encore sortit, la majorité ne sait pas de quoi ça traite. Je pense que, surtout à notre âge, quand on dit à nos copains qu’on a fait un film, c’est « wow, vous avez fait un film », mais ça va moins chercher le sujet. Mais je pense que quand ça va sortir, forcément que tous ceux qui l’auront vu, changeront leur regard dessus, c’est évident. »
Fabienne Servan-Schreiber (productrice) : « Emmeline, qu’est-ce que tu en penses, toi ? Qu’est-ce qu’ils disent tes copains de l’école quand tu leur dis que tu as tourné dans un film ? »
Emmeline : « Bah, ils sont impressionnés. »
Céline Pilati : « Toi tu n’es pas impressionnée du tout., »
Emmeline : « Moi, ça va. ! »
Céline Pilati : « le casting pour les enfants a-t-il était difficile ?
Julie Manoukian (réalisatrice): « Non, c’est un processus qu’on connaît. Il faut de bons partenaires pour ça aussi. » J’ai travaillé avec un super directeur de castings à Marseille qui s’appelle Julien Grossi, qui connaissait Arthur et Emmeline. C’est le même processus que pour un casting adulte. Il faut être séduit, arriver à communiquer et puis après un moment, on fait un saut dans le vide. Et on voit si on a fait le bon choix et c’était le cas. Mais non, ça a été très facile de les choisir et de travailler avec eux. »
Céline Pilati: « Donc c’était une évidence que ce soit eux ».
Julie Manoukian (réalisatrice): Absolument. Totale.
Fabienne Servan-Schreiber (productrice) : On peut le confirmer, oui.
Raphaël Lenglet : « C’est qu’après on a regretté, c’était trop tard. » (sourires)
Céline Pilati : « Et depuis, c’est dur ? »
Raphaël Lenglet : « Ah oui, c’est pénible. Mais bon. C’est fait, c’est fait. »
Céline Pilati : « Mais vous avez signé pour la suite, on l’a dit !. »
Emmeline : « Oui ».
Texte et photos de Céline Pilati