INTERVIEW

Interview de Hervé Renoh

 

Réalisateur « spécialiste des fictions TV »

 

Hervé Renoh - Réalisateur Léo Matteï, Brigade des mineurs

Céline Pilati : « Bonjour Hervé Renoh, vous êtes un réalisateur, spécialiste de la fiction »

Hervé Renoh : « Absolument, auteur et réalisateur »

Céline Pilati : « Auteur et réalisateur, précisons bien. Pouvez-vous nous en dire un peu sur votre parcours, comment vous êtes arrivés au cinéma et à la fiction TV ? »

Hervé Renoh: J’ai commencé effectivement par le cinéma. C’est à dire que j’ai participé d’abord à des courts métrages, très jeune, quand j’avais 15-16 ans. Et j’ai commencé tout de suite à trouver ça passionnant, d’abord en tant qu’amateur et puis après je me suis dit mais en fait, j’ai envie d’en faire mon métier. Et donc j’ai commencé après classiquement, à trouver du travail sur des plateaux de tournage, en rodant autour des plateaux. J’ai commencé comme stagiaire et puis assistant à la mise en scène. J’étais assistant réalisateur sur des longs métrages de grands réalisateurs français comme Leos Carax, Régis Wargnier, Luc Besson, etc. Et après je suis passé réalisateur moi-même, en reprenant mes courts métrages. Puis de ça je suis passé aux premiers épisodes de fiction. Et après j’ai réalisé deux longs métrages et depuis je n’arrête pas, c’est à dire que j’en suis à, je ne sais pas, plus de 50 téléfilms et séries, voilà. »

Céline Pilati « Peut-être nous donner quelques exemples ? »

Hervé Renoh: « Dans les réalisations récentes que j’ai réalisé, il y a  3 saisons de la série Léo Mattéï, avec Jean- Luc Reichmann pour TF1. Puis toujours pour TF1 beaucoup de séries policières du jeudi soir comme des épisodes de Section de recherches, R.I.S : police scientifique et avant ça, j’en avais fait beaucoup d’autres. Comme Commissaire Moulin, Police judiciaire, Sauveur Giordano, etc. Cela représente beaucoup beaucoup de séries différentes sur TF1. Et après sur France Télévision, la série Cassandre, c’est vrai que j’ai beaucoup aimé réaliser, avec Gwendoline Hamon. Et je réalise maintenant aussi la série Un si grand soleil pour France 2. »

Céline Pilati : « Justement, en parlant de séries, puisqu’effectivement vous avez réalisé beaucoup de séries. La plupart des  séries avaient déjà commencé avant que vous arriviez, vous, en tant que réalisateur. Comment on arrive à s’intégrer dans une équipe, qui tourne déjà et  à se créer une place , finalement, dans une équipe qui est déjà là ? « 

Hervé Renoh: « C’est une question intéressante effectivement, parce que c’est pas du tout le même travail que quand on est à la base, pour la création d’une série. Quand on intègre une série déjà existante, il faut absolument se familiariser avec l’univers, les codes, l’écriture visuel de la série et essayer d’y apporter sa touche personnelle, tout en restant à l’intérieur de ce cadre-là. Donc c’est un équilibre assez délicat. Mais ce qui est passionnant, c’est justement de voir comment on peut, à partir d’un travail pré-existant, qui a déjà été créé par d’autres réalisateurs ou réalisatrices, arriver à mettre sa signature et essayer de faire évoluer légèrement la série. C’est aussi pour ça qu’on m’engage. D’essayer d’amener parfois sur une série qui a déjà plusieurs années d’existence, d’arriver à renouveler un peu, de rafraîchir. Parce qu’une série a besoin, c’est un organisme vivant une série. Il y a un casting qui est en place, mais qui se renouvelle mais aussi une image qui doit être renouvelée régulièrement pour se tenir toujours un petit peu à la pointe du progrès. »

Céline Pilati : « Comme on dit, chaque réalisateur a sa patte et donc on vous demande  justement, de mettre la votre, sur certaines choses ? »

Hervé Renoh : « Absolument, c’est souvent pour ça qu’on m’appelle en fait, pour essayer de mettre notre propre signature, on va dire visuelle dans une série. Moi j’essaye toujours de rester en même temps dans les codes de la série, de respecter le travail déjà existant parce que souvent une série a déjà son public qui est fidèle. Il ne s’agit pas de les déstabiliser, il s’agit pas de tout révolutionner. Mais il s’agit de faire évoluer en douceur pour essayer d’être toujours effectivement un peu en avance, ne pas se laisser distancer parce que l’écriture visuelle, l’écriture des séries évolue tout le temps, avec le temps. Il faut regarder tout ce qui se passe, il faut regarder aussi ce qu’il y a sur les plateformes et essayer de voir dans quelle mesure, on peut, nous, par notre travail de mise en images, d’essayer d’améliorer encore, d’être toujours un petit peu à la tête du peloton. »

Céline Pilati : « Avant de vous intégrer dans une équipe, est-ce que vous regardez les épisodes de la série si vous ne la connaissez pas  ? Prenons en exemple, une série, comme Cassandre, vous avez regardé les épisodes avant, pour voir un peu les personnages ? »

Hervé Renoh: « Absolument, le travail consiste à se familiariser effectivement avec les épisodes déjà tourné, quand c’est le cas d’une série comme Un si grand soleil, où il y a plus de mille épisodes. Je vais peut-être pas les regarder tous mais effectivement je regarde les derniers épisodes, j’essaye de voir comment chacun a mis un peu une écriture visuelle. Je parle beaucoup d’écriture visuelle parce que pour moi c’est un média profondément visuel donc il s’agit effectivement, c’est notre travail nous, de réalisateur, à partir du texte existant, avec les comédiens existants, d’essayer de rendre toujours ça le plus vivant possible, le plus moderne possible. »

Céline Pilati : « Est-ce que dans les jours prochains, là, vous repartez en tournage tout de suite ? »

Hervé Renoh: « Pas tout de suite. J’ai un petit break, puisque là je viens de finir Un si grand soleil. Et je repars sur la préparation de la série Léo Mattéï, à Marseille, à partir d’octobre, donc pas très longtemps, deux semaines. »

Céline Pilati : « Est-ce que vous avez le temps du coup de préparer, vous, finalement, d’autres films pour le cinéma aussi, ou maintenant vous restez à la télévision ? »

Hervé Renoh: « C’est un vrai débat. Je travaille beaucoup sur des projets d’écriture parce que je suis auteur. Alors il se trouve que je suis aussi scénariste et donc auteur pour d’autres réalisateurs de cinéma. Je travaille avec des grands réalisateurs. J’ai la chance de voir de beaux projets au cinéma avec des gens comme Christophe Gans par exemple qui avait fait Le pacte des loups, La Belle et la Bête, etc. Il y a aussi Frédéric Forestier, avec Fabrice Dubels tout ça. Mais le rythme du cinéma est beaucoup plus long, beaucoup plus lent que celui de la télévision. Moi j’aime l’urgence, la rapidité de la télévision. On peut faire plusieurs films en une année. Alors qu’au cinéma il faut plusieurs années pour faire un film. Donc je travaille en parallèle ce rôle de scénariste pour d’autres réalisateurs mais j’essaye aussi en parallèle, tout en menant mon activité de réalisateur, de développer mes propres projets de séries, en collaboration avec d’autres auteurs ou d’autres autrices. Donc c’est vraiment un travail, comment dirais-je, non-stop. Parce que dès que je ne suis pas en tournage, j’essaye de reprendre un peu les projets, en disant, faut avancer la « bible » d’une nouvelle série ou alors j’ai rendez-vous avec un autre réalisateur pour essayer de développer un long métrage pour lui. Donc ça va, j’ai pas le temps de m’ennuyer. »

Céline Pilati : « Vous disiez tout à l’heure que vous aviez commencé très jeune justement, à 14 ans, des petits courts métrages »

Hervé Renoh: « Oui à 15 ans « 

Céline Pilati  : « Voilà, à ce moment là est-ce qu’il y a quelque chose qui a été un déclic,
peut-être un réalisateur, peut-être un film vu au cinéma, quelque chose ? »

Hervé Renoh: Oui, pour moi ça a été  au cinéma, quand j’étais adolescent, j’avais vu le film Blade Runner et c’était le premier film, d’un seul coup j’ai pris conscience que y avait quelqu’un derrière la caméra qui mettait en scène tout ça, qui mettait un monde en images. Avant ça, je regardais comme tout le monde,  je regardais les histoires, les acteurs et là d’un seul coup, je me suis rendu compte qu’il y avait quelqu’un derrière tout ça, un chef-d’orchestre qui a imaginé tout ça,  pour créer un univers visuel , à cet instant je me suis dit c’est ça qui est passionnant, c’est ça que je veux faire. »

Céline Pilati : « Malgré un planning très chargé, vous  êtes quand même venus à La Rochelle, donc vous avez pris un peu de temps pour venir, un break comme on dit. Qu’est-ce que vous avez vu au Festival de la fiction de La Rochelle, est-ce qu’il y a quelque chose qui vous a plu ?

Hervé Renoh: » C’est important pour moi de venir à La Rochelle parce que, d’abord c’est un moment où on se réunit tous entre professionnels, et c’est l’occasion d’échanger avec des collègues. Aussi bien d’autres réalisateurs / réalisatrices, producteurs / productrices, scénaristes, comédiens. On fait un peu le point sur nos projets, on échange un peu et ça donne souvent des idées, des envies, des échanges, comme ça, sont très positifs. C’est aussi l’occasion pour moi de voir beaucoup de choses, que j’aurais pas forcément le temps de voir. Tout est très concentré, très réuni en quelques jours et ça permet de voir un peu ce que chaque chaîne fait, chaque programme un petit peu « phare » de la rentrée. Et ça m’a permis de voir effectivement l’évolution. Je trouve que  cette année, je suis un peu frappé par le retour du film en costume, on va dire. Entre le Diane de Poitiers de Josée Dayan, Les Combattantes d’Alexandre Laurent « .

Céline Pilati : « Marie-Antoinette aussi »

Hervé Renoh : « Marie-Antoinette bien sûr. Tout ça, c’est Canal, TF1, aussi bien que France Télévisions et je me dis, c’est chouette parce qu’il y a un retour à ce qu’on fait très bien en France, c’est à dire, le film en costume, épique, avec des moyens importants, du casting de prestige. Et je trouve que c’est formidable qu’on puisse de nouveau faire appel à ce savoir-faire qu’on a, en France, chez nous parce qu’on a tous les artisants pour, tous les techniciens pour, fabriquer de très beaux costumes, de très beaux décors. On a les comédiens aussi pour jouer ce type de texte et je trouve ça formidable qu’on refasse appel à nouveau à cet imaginaire profondément français, pour se démarquer un peu,  peut-être de la concurrence des plateformes américaines. »

Céline Pilati : « Est-ce qu’il manque quelque chose pour vous, aujourd’hui, à la télévision au niveau des fictions qu’on voit uniquement  sur les plateformes? « 

Hervé Renoh: « Je pense qu’on est a un moment très intéressant parce que l’arrivée des plateformes a fait évoluer la demande, parce qu’il y a une offre extrêmement diversifiée et je trouve qu’on n’est pas en manque de quelque chose parce que justement, il y a une émulation positive de la part de l’arrivée de ces géants du streaming que sont Amazon, Netflix, Apple TV, etc., qui d’un seul coup, mettent la barre très haut,  niveau qualité de fabrication. Alors la seule chose, si je pourrais dire, si on manque de quelque chose, c’est peut- être un relatif manque de moyen, qu’on peut avoir nous en France, par rapport à des productions. On voit les budgets des séries Amazon, qui fait 1 milliard de dollars, pour Le Seigneurs des Anneaux. C’est sûr qu’on n’a pas les moyens de rivaliser avec ça. Donc j’ai envie de dire, si on pouvait arriver à cumuler les investissements des chaînes et plateformes pour monter encore un peu les budgets, les enveloppes budgétaires, ça nous permettrait de faire des choses encore plus ambitieuses. C’est l’espoir que j’ai quand je vois une série extrêmement réussie comme Les Combattantes, qui est à la fois diffusée sur TF1 et Netflix. Je trouve cela formidable parce que la fusion des moyens des deux plateformes, chaîne télévision plus plateforme, permet d’avoir une enveloppe budgétaire plus conséquente et donc de faire vraiment des films de très grande qualité, avec les moyens qu’il faut, pour mettre en image une histoire épique. »

Céline Pilati : « Et vous, qu’est-ce qu’il faut vous souhaiter alors, du coup, juste après La Rochelle ? Vous partez en tournage pour Léo Mattéï, donc à Marseille? »

Hervé Renoh: « Je me souhaite de pouvoir continuer comme ça, encore très longtemps. J’ai la chance de beaucoup travailler, avec plein de partenaires formidables et sur différentes chaînes. Si on peut me souhaiter quelque chose, ça serait peut-être qu’un projet aboutisse sur une plateforme pour changer et on découvrira un nouvel univers. »

Céline Pilati : « Avez-vous le rêve justement,  aujourd’hui de réaliser un film avec tel ou tel acteur ou une actrice ? »

Hervé Renoh: Il y a forcément des rêves, comme ça, qu’on peut pas laisser, parce que c’est des choses magiques . J’ai été extrêmement ému hier de voir Isabelle Adjani, dans la fiction magnifique de Josée Dayan. Et c’est vrai qu’on voit des castings comme ça, je me dis, ce qui est super aujourd’hui, ce qui est vraiment formidable, c’est qu’on peut rêver de casting de grandes stars de cinéma pour des projets de séries, de téléfilms et ça c’est formidable. Donc je rêve effectivement et j’espère avoir la chance un jour de faire tourner de grandes stars de cinéma dans un projet personnel parce que ce sont elles et eux, ces comédiens qui m’ont fait rêver quand j’ai commencé ce métier et qu’ils me font toujours rêver aujourd’hui. »

Céline Pilati : « Merci beaucoup Hervé. »

Hervé Renoh : « Merci à toi, Céline ».

Interview réalisée par Céline Pilati – Texte et photos par Céline Pilati

Hervé Renoh - Réalisateur Léo Matteï, Brigade des mineurs
Hervé Renoh - Réalisateur Léo Matteï, Brigade des mineurs
Hervé Renoh - Réalisateur Léo Matteï, Brigade des mineurs
Hervé Renoh - Réalisateur Léo Matteï, Brigade des mineurs